Patricia Era Bath, pionnière et première chirurgienne afro-américaine.
Sommaire
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Prologue
Ouvre les yeux, et voit.
Cette phrase, Patricia Path aurait pu la prononcer des millions de fois, comme une incantation.
Les millions de fois, où elle, ou la méthode révolutionnaire qu’elle a inventé ont permis de rendre la vue à des personnes majoritairement défavorisées.
Elle a même réussi le miracle scientifique de rendre la vue à une femme d’Afrique qui était aveugle depuis 30 ans. La vie de cette femme extraordinaire, héroïne des temps modernes, ne vaut elle pas la peine d’être connue ?
Si. Voici la biographie de celle qui aura changé le visage de la médecine.
Introduction.
Durant toute sa vie, de ses études jusqu’à sa carrière professionnelle, Patricia Era Bath était constamment confrontée à des discriminations raciales et sexistes.
Elle passera outre, pour devenir la première Afro-Américaine à obtenir un brevet pour une invention dans le domaine médical. Durant sa carrière, elle a inventé une méthode de traitement de la cataracte qui est utilisée encore aujourd’hui dans le monde entier. Elle a réussi à soigner des personnes aveugles depuis plusieurs années, et à leur redonner la vue. On estime que son travail a «contribué à restaurer ou à améliorer la vision de millions de patients dans le monde».
Naissance et Jeunesse.
Patricia Era Bath naît le 4 Novembre 1942 dans le quartier de Harlem, d’un père conducteur de métro et d’une mère employée de maison. Ses parents, spécialement sa mère, épargnent une partie de l’argent gagné dans leurs professions respectives pour lui assurer une bonne éducation.
Dans une société américaine minée par les discriminations raciales et sexistes -largement plus qu’aujourd’hui- Patricia Bath subira de multiples humiliations, tout au long de son parcours scolaire. Cela ne l’empêchera pas d’être une élève brillante qui impressionnera ses professeurs.
Formation
Durant ses études secondaires, elle obtiendra une bourse d’étude de la National Science Foundation, pour participer à un projet de recherche sur les corrélations entre le cancer, la nutrition et le stress. Le responsable du programme réalisant l’importance et la pertinence des travaux de la jeune Patricia, publiera ses conclusions dans un article scientifique. Elle recevra un prix à la suite de la publication de cet article.
Après ses brillantes études secondaires (elle obtiendra son diplôme d’études secondaires en seulement deux ans) et étudiera la chimie et la physique au Hunter College de Manhattan. Elle y obtiendra son baccalauréat en 1964. Tout au long de son parcours scolaire, sa famille s’investira et l’encouragera à poursuivre et à effectuer des études universitaires :
- Son père cultivera en elle l’esprit de voyage et d’exploration de nouvelles connaissances et cultures ;
- Sa mère s’attellera à cultiver son intérêt, en lui payant des livres et des outils de travaux scientifiques.
Ainsi elle entamera des études universitaires en médecine à l’université Howard. Elle y obtiendra 4 ans plus tard son diplôme, avec les honneurs. Elle poursuivra son apprentissage de la médecine à l’internat de l’hôpital d’Harlem. L’année suivante, elle continuera ses études grâce à une bourse, dans l’université de Columbia où elle se spécialisera en ophtalmologie. Elle y obtiendra en 1970, son diplôme de chirurgien spécialisé en ophtalmologie. Elle deviendra par la même occasion, la première afro-américaine à obtenir un diplôme de chirurgien du département médical de l’Université de Columbia.
Carrière
Après avoir obtenu son diplôme, Patricia Bath fera les aller-retour constamment entre l’hôpital de Harlem, et la résidence à l’université de Columbia. Durant cette période elle fera une découverte, qui orientera la suite de sa carrière.
En 1973, elle sera le premier Afro-américain à terminer une résidence en ophtalmologie. Elle déménagera en Californie l’année suivante pour travailler comme professeur adjoint de chirurgie dans deux universités de la ville. En 1975, elle deviendra la première femme membre du corps professoral du Département d’ophtalmologie de l’université de Columbia.
En 1976, Bath cofondera l’Institut américain pour la prévention de la cécité. Cet institut a établi que «la vue est un droit humain fondamental». En 1983, Bath aidera à créer le programme de formation en résidence en ophtalmologie à l’Université Charles Drew de Californie. Elle présidera également ce programme, - devenant, en plus de ses autres premières, la première femme du pays à occuper un tel poste.
Traitement de la cataracte
Constat
Durant la période où elle travaillait simultanément comme stagiaire à l’hôpital de Harlem et dans une clinique ophtalmologique de l’Université de Columbia, Patricia Bath fera le constat qu’à la clinique ophtalmologique de Harlem, la moitié des patients étaient aveugles ou malvoyants. À la clinique ophtalmologique de Columbia, en revanche, il y avait très peu de patients manifestement aveugles.
Il y a donc un écart, dans les problèmes de vision entre la population en grande partie noire à Harlem et la population largement blanche à Columbia. Elle documentera cet constat et publiera dans un article en 1979 :
Un nombre disproportionné de Noirs sont aveuglés par des causes évitables. Cependant, à ce jour, aucune stratégie nationale n’existe pour réduire les taux excessifs de cécité parmi la population noire.
Elle a notamment constaté grâce à une étude épidémiologique rétrospective que :
- La cécité était deux fois plus répandue chez les Noirs que chez les Blancs.
- Les Afro-Américains étaient huit fois plus susceptibles de développer un glaucome, que les individus des autres ethnies.
- La forte prévalence de la cécité chez les Noirs Américains était due au manque d’accès aux soins ophtalmiques.
De ces découvertes, lui naîtra la vocation et l’engagement pour le combat qu’elle mènera toute sa vie : développer un système d’ophtalmologie communautaire pour prodiguer des soins oculaires aux populations qui n’avaient pas les moyens de se payer un traitement.
Ophtalmologie communautaire
Elle fonda en 1976 l’ American Institute for the Prevention of Blindness. Cette organisation à but non lucratif, fera progresser la santé optique grâce à des dépistages, des traitements et une éducation à la base.
Tout au long de sa carrière Patricia Bath et son organisation lutteront pour diminuer les niveaux épidémiques de cécité dus à des causes évitables parmi les populations mal desservies, souvent minoritaires, aux États-Unis et également dans les pays pauvres situés à l’étranger.
Elle travaillera à élargir sa nouvelle discipline (l’ophtalmologie communautaire) dans le monde entier. L’ophtalmologie communautaire combine des aspects de santé publique, de médecine communautaire et d’ophtalmologie clinique pour offrir des soins primaires aux populations mal desservies. Elle repose sur le principe que la vue est un droit humain fondamental et que les soins oculaires primaires doivent être accessibles à tous, partout, quelle que soit leur situation économique. Des bénévoles formés comme travailleurs oculaires visitent des centres pour personnes âgées et des programmes de garderie pour tester la vision et dépister la cataracte, le glaucome et d’autres maladies oculaires menaçantes. Cette sensibilisation a sauvé la vue de milliers de personnes. En identifiant les enfants qui ont besoin de lunettes, les bénévoles donnent à ces enfants une meilleure chance de réussir à l’école. L’institut soutient également les initiatives mondiales visant à fournir aux nouveau-nés des gouttes ophtalmiques protectrices anti-infectieuses, afin de garantir que les enfants souffrant de malnutrition reçoivent des suppléments de vitamine A essentiels à la vision.
La cataracte
Dans le même élan, Patricia Bath se décidera à s’attaquer à l’une des maladies responsables en grande partie de la cécité chez les populations défavorisées : la cataracte.
La cataracte, l’opacification du cristallin dans votre œil, affecte à partir d’un certain âge la majorité des individus. La vision des individus atteints s’estompe, petit à petit. Imaginez, le monde beau et coloré s’estompe progressivement et disparaît pour laisser place au noir ou au flou complet. A titre d’exemple, on estime qu’à 65 ans, plus de 90% des Américains (USA) développeront des cataractes. La cataracte est plus fréquent, plus précoce chez les populations défavorisées.
Elle se mit alors en quête de trouver une nouvelle méthode, moins risquée et invasif permettant d’éliminer les cataractes.
Le Laserphaco
En 1981, elle créera un nouveau dispositif et une nouvelle technique de chirurgie de la cataracte photo-ablative au laser : Le Laserphaco. De 1981 à 1986, Patricia Path effectuera des recherches, des tests et utilisera des ressources incommensurables pour concrétiser l’idée. Son idée était plus avancée que n’importe quelle technologie disponible à l’époque. Après ces années de recherche et de travaux, elle demandera en 1986 un brevet, pour faire valider et reconnaître son invention.
Elle raconte :
Je savais que c’était une découverte révolutionnaire, alors j’ai immédiatement déposé un brevet.
Toujours appelée de manière péjoratif par ses collègues comme «l’infirmière», la Dr. Bath a surpris par son succès. Un collègue a déclaré: «C’est impossible. Les gens essaient de le faire depuis des années ».
Avant l’invention de Bath la méthode la plus courante utilisée pour soigner la cataracte était le broyage : un dispositif en forme de forage pour éliminer les afflictions des cataractes. A l’inverse, la sonde du Dr. Bath a été conçu pour utiliser la puissance d’un laser pour vaporiser rapidement et sans douleur les cataractes des yeux du patient.
Cette invention était révolutionnaire à différents points de vue :
- Elle utilisait un laser pour dissoudre la cataracte.
- Le traitement était plus précis et sans douleur.
- Il était également moins risqué et invasif pour le patient.
- Il permettait de rétablir la vue à des patients aveugles depuis des décennies.
Deux (2) ans plus tard, sa demande de brevetage de l’invention sera acceptée. Patricia Bath devint ainsi la première femme médecin afro-américaine à breveter une invention médicale.
Dans une interview pour l’exposition “Changer le visage de la médecine”, le Dr Bath décrira son meilleur moment personnel : Lors d’une mission humanitaire en Afrique du Nord, grâce à une procédure d’implantation appelée kératoprothèse, elle restaurera la vue à une femme qui était aveugle depuis 30 ans.
«La capacité de restaurer la vue est la récompense ultime», a-t-elle déclaré.
Cette méthode est maintenant utilisé dans le monde entier pour traiter les patients atteints de cécité.
Influence
L’Office des brevets et des marques des États-Unis, qui a souligné la réussite du Dr Bath à plusieurs reprises au fil des ans, a déclaré dans un communiqué de presse de 2014 que son travail avait «contribué à restaurer ou à améliorer la vision de millions de patients dans le monde».
Brevets
À ce jour, Bath a reçu cinq différents brevets pour ses inventions. Les deux premiers décernés en 1988, se rapportent à la sonde de la cataracte révolutionnaire. D’ autres comprennent:
- En 1999 : Un autre appareil à laser, qui fourni un moyen pour éliminer les cataractes en faisant une micro-incision et l’utilisation d’un rayonnement.
- En 2000 :Invention utilisant une énergie ultrasonique pour enlever la cataracte.
- En 2003 : Des ultrasons combiné à un procédé et un appareil laser pour enlever les lentilles de cataracte. C’est une synthèse des deux inventions précédentes. Celui-ci utilise à la fois l’énergie ultrasonique et un rayonnement laser pour enlever encore plus précisément la cataracte. L’invention comprend également un « système de distribution de fibre optique » unique pour la transmission des vibrations ultrasoniques et rayonnement.
Postérité
Lorsqu’elle est devenue la première femme professeur du département de l’Université de Columbia, on lui a offert un bureau «au sous-sol à côté des animaux de laboratoire». Elle a refusé la place.
“Je n’ai pas dit que c’était raciste ou sexiste. J’ai dit que c’était inapproprié et j’ai réussi à obtenir un espace de bureau acceptable. J’ai décidé que j’allais juste faire mon travail.”
En 1993, Bath a pris sa retraite de son poste au centre médical de l’Université de Columbia et est devenue membre honoraire de son personnel médical. Cette même année, elle a été nommée «Pionnière de l’Université Howard en médecine universitaire».
Parmi ses nombreux rôles dans le domaine médical, Bath était un ardent défenseur de la télémédecine, qui utilise la technologie pour fournir des services médicaux dans les régions éloignées.
Dans le cadre de la recherche qui a mené à son premier brevet, la Dr. Bath a pris un congé sabbatique en Europe en partie, pour échapper au racisme et au sexisme dans les mondes académique et scientifique américain. Même lorsqu’elle a réussi, son exploit n’a pas été universellement célébré.
«Il n’y a pas eu d’acceptation», a-t-elle déclaré au Time, «et dans certains cas, il y avait de la colère que petite moi, petit moi, ait effectivement brisé le plafond de verre, ait eu une percée scientifique.»
Le travail acharné et la persévérance du Dr Bath n’ont pas seulement permis aux aveugles de voir ; elle a inspiré les filles et les femmes du monde entier à réaliser leurs rêves - prendre le risque et faire de l’impossible une réalité, même face à l’adversité.
Patricia Era Bath décédera le 30 Mai 2019. Sa fille, Eraka Bath a déclaré que le Dr Bath était décédé des suites d’une brève maladie.
Epilogue
Deux ans auparavant, ma mère a du se faire opérer un de ces yeux. Sa vision s’était opacifié et une
petite bille blanche s’était formé dans l’oeil. Il fallait passer par le billard. L’opération s’était bien
passée, et 3 jours de convalescence plus tard elle voyait de nouveau clairement.
En écrivant cet article, cet épisode m’est revenu en tête. Même si je savais déjà la cause de sa cécité partielle
à l’époque, je lui ai quand même reposer la question : elle souffrait de la cataracte.
Comme moi, et ma très chère mère, je pense qu’on est quelques millions dans le monde à devoir une fière chandelle à
Patricia Era Bath ; à sa conviction, son engagement, ses travaux et son génie.
Merci Patricia.
Citations
Terminons comme de coutume sa biographie par quelques unes de ses citations :
J’avais quelques obstacles mais je devais m’en sortir. L’attentat, la ségrégation, le racisme, c’est le bruit que vous devez ignorer et garder les yeux rivés sur le prix. C’est comme l’a dit le Dr. Martin Luther King ; c’est donc ce que j’ai fait.
C’est mon amour de l’humanité et ma passion pour aider les autres qui m’a poussé à devenir médecin.
Quand nous jouions à l’infirmière et le médecin, je ne voulais pas d’être obligé de jouer le rôle de l’infirmière. Je voulais être celle qui portait le stéthoscope, celle qui faisait les injections, celle qui était responsable.
Mon plus gros obstacle ? Le sexisme, le racisme et la pauvreté relative ont été les obstacles auxquelles j’ai dû faire face en tant que jeune fille qui a grandit à Harlem. Je ne connaissais pas de femmes médecins. Le métier de chirurgien était une profession dominée par les hommes. Il n’existait pas d’écoles secondaires à Harlem. En outre, les noirs ont été exclus de nombreuses écoles de médecine et des sociétés médicales, et, ma famille ne possédait pas les fonds pour m’envoyer à l’école de médecine.
Le récit de la surprise doit être changé. Je me rends compte que lorsque je réalise ces choses, cela aide à visualiser ce que les autres femmes et d’autres personnes de couleur, les femmes noires, peuvent faire. Un jour, le monde cessera d’être surpris par ce que les femmes peuvent accomplir.
J’espère que grâce à mon héritage passé et à mon plaidoyer futur, les générations actuelles et futures de jeunes scientifiques ne subiront pas les blessures de la discrimination, d’aucune sorte.
Dîtes nous dans les commentaires ce que cette histoire vous inspire. Connaissiez vous déjà cette scientifique ? Si oui, comment l’avez vous découvert ?
Sources
- Biographie de Patricia Bath
- Changer le visage de la Médecine - Patricia E. Bath
- Dr. Patricia Bath - Inventeurs Afros-Américains
- Dr Patricia Bath: une visionnaire moderne
- Dr. Patricia Bath, 76, Who Took On Blindness and Earned a Patent, Dies
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